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Souvenirs de Eugène Le Gall

Sur le SS Wyoming (1942-1943)

Odyssée d’un convoi torpillé

Dispersion du convoi

Du 11 Novembre au 22 Décembre 1942

Les seuls incidents du début c'étaient les navires qui tombaient en panne. Cela arrivait assez fréquemment, et les "Liberty-ships" eux-mêmes n'en étaient pas exempts. Ce n'est pas très sain en temps de guerre, et le code de signaux dit «Mersig» se chargeait de le rappeler très éloquemment en 1ère page portant un dessin d'un navire torpillé, avec la légende :

«Let's join the straggler's club»

c'est-à-dire :

«Adhérez au club des trainards»

Notre escorte se composait de sept ou huit contre-torpilleurs de 2500t très rapides, équivalents de nos Fantasque et Indomptable.

Au milieu de l'Atlantique, il fallut les ravitailler. Le Maumée se laissa culer en queue de convoi et, deux par deux, les escorteurs vinrent sucer les mamelles du pétrolier, sans que pour cela la vitesse fut ralentie. La technique était alors très au point, et je l'ai vue se faire par très grosse mer. Menée avec habileté, l'opération dura deux jours.

Noël et le Jour de l'An furent fêtés comme il se doit et tout le convoi arbora les pavillons de "Merry Christmas" et de "Happy new year". Le Lot et le Wyoming échangèrent de longs télégrammes en signaux optiques.

Vers le 40° de longitude, le temps changea. Le vent se mit à souffler grand frais de l'Ouest. La mer se creusa bientôt, et une véritable tempête se déchaîna. Ce fut à ce moment que se produisirent les premières alertes au coucher du soleil. On opéra plusieurs manoeuvres d'urgence, par mouvement tout à la fois de 45°.

Le vent augmentant, le convoi perdit peu à peu de sa cohésion, les lignes s'étirèrent, les colonnes s'écartèrent, si bien qu'un matin, le Wyoming se retrouva tout seul sur la mer jolie. Ce n'était pas très rassurant, si l'on songe que pour tout armement nous avions un Lebel et un paquet de cartouches. Qu'un sous-marin ennemi se trouva sur notre route et c'en était fait du navire et de son équipage, dans cette mer démontée.

Fort heureusement, il n'en fut rien. On eut tout de même une émotion. Un navire du convoi envoya un message radio, signalant un sous-marin en vue, par tant de latitude et tant de longitude. Je terminais à ce moment un point par trois étoiles. Quelle ne fut pas ma surprise, et surtout mon inquiétude, en constatant qu'elle coïncidait avec la position du sous-marin. Ce fut un instant d'émotion et la surface des eaux fut interrogée avec soin. Mais rien ne se manifesta.

Dans l'après-midi, un navire nous rejoignit: c'était le Keystone, et l'on supposa que c'était lui qui, nous apercevant à limite de visibilité, nous prit pour un submersible.

Le Wyoming prit la ligne de file derrière lui. Mais il allait plus vite que nous et dans l'après-midi, au coucher du soleil, il avait disparu à l'horizon de l'Ouest. Nous étions de nouveau seuls.

Au voyage retour, le Keystone faisait partie du même convoi que nous. Il tomba en panne à mi-route. Douze heures après il lançait un SOS, attaqué par un sous-marin. Un destroyer dépêché sur les lieux ne retrouva personne de l'équipage. Ce fut le premier navire perdu dans ce convoi. Nous en reparlerons plus loin.

 

©titanne
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Mis à jour le 30 juillet 2010



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