Agrandir la taille du texte

Souvenirs de Eugène Le Gall

Avec la 8e DCT (1939-1940)

Les premières heures

La gigantesque déflagration qui, à l’heure actuelle (1), menace de faire le tour de la terre, débute le vendredi 1e septembre 1939.

Ce jour-là, à 4h du matin, les armées du Reich envahissaient la Pologne par toutes ses frontières. Les conversations commencèrent aussitôt entre la France et l’Angleterre, garantes de l’intégrité de ce territoire.

Le samedi 2 septembre 1939, il faisait un temps magnifique sur Brest et, dans l’après-midi, j’étais sorti me promener avec ma mère. Mon navire, le contre-torpilleur X81, nommé l’Indomptable, était au port depuis quelques jours.

Nous étions arrivés sur la place Wilson, lorsque je remarquai un attroupement devant l’immeuble de l’Ouest-Eclair. Nous approchant du journal, je reconnus de loin la fameuse petite affiche blanche ornée en tête de deux drapeaux français croisés : c’était l’ordre de mobilisation générale. Cet ordre ne me concernait pas, puisque j’étais déjà à pied d’œuvre, terminant mon service militaire dans la Marine de guerre.

Le lendemain, dimanche 3 septembre, j’appareillais sur l’Indomptable, en compagnie de toute l’escadre de Brest et l’on mettait le cap sur Finisterre.

A 11h, la Grande-Bretagne déclarait la guerre à l’Allemagne. A 15h, à l’expiration du délai fixé par la France après son ultimatum, nous étions à notre tour entraînés dans le conflit. Le lundi 4, dans les premières heures de la matinée, avait lieu le premier torpillage : c’était l’Athénia, paquebot de 13580 tonnes, coulé par l’U30 au point 56°44’N – 14°05W. Des 1400 passagers, 1300 furent sauvés.

Peut-être en conséquence de cet acte de guerre, nous reçûmes l’ordre de rallier Brest. En peu de temps, toute l’escadre avait fait demi-tour et repris la route du nord. Seul, le Pluton, mouilleur de mines, continua sur Casablanca. Nous trouvant en queue de la formation, nous lui souhaitâmes bon voyage. Hélas, nous ne nous doutions pas que, peu de temps après, il devait sauter, avec toutes ses mines, dans ce port de Casa, engloutissant avec lui des centaines de marins (2).

13 septembre.

Vers midi, les radios captèrent un SOS : c’est le signal de détresse d’un bâtiment attaqué. C’était un cargo et il nous signalait sa position : 45°29’N & 09°45’W ; son nom : le Bosnia, cargo anglais.

A cause de sa grande vitesse, l’Indomptable fut envoyé à son secours. Nous nous trouvions à ce moment par le travers de Finisterre. Vers 15h je fis une droite de soleil qui nous plaçait très près du point signalé. Effectivement, à 16h, nous étions sur les lieux. Le cargo était coulé, et sur un kilomètre carré, la mer était jonchée d’épaves, une baleinière allait à la dérive, vide, une autre était coupée en deux et dressait son étrave à la verticale. De survivants, aucun en vue.

Quelle tragédie s’était passée là quelques heures auparavant, on ne pouvait que l’imaginer. Cette vision d’un drame encore tout chaud avait quelque chose de sinistre et d’irréel.

Après avoir croisé pendant deux heures sur les lieux, nous mîmes le cap sur Brest, car le combustible diminuait dans les soutes. L’escadre nous rejoignit peu avant le Raz de Sein et, le mercredi 6 au matin, nous étions à l’abri de Brest.

(1) Ceci fut écrit en septembre 1941, dans la revue "Le Tour du monde" - volume 1 (texte de Eugène Le Gall)

LE PASTEUR "1938-1980"
Livre de Jean-Yves Brouard

Le paquebot Pasteur

Le "Pasteur" ne fut un paquebot de luxe que durant quelques semaines : la Seconde guerre mondiale a interrompu sa mise en service. Saisi par les Britanniques, ...
Lire la suite...



Affiche ordre de mobilisation, 1939.




(2) Dont le fils du médecin-général Brunet, de Landévennec.


1939 : Route de l'Indomptable, de Brest à Cap Finisterre.





L'Indomptable en 1937

L'Indomptable en 1937, photo collection Paul Houert
(voir ses souvenirs).

©titanne
Site réalisé par Anne Le Gall
Mis à jour le 30 juillet 2010



Valid XHTML 1.0 Transitional